jeudi 20 décembre 2012

La passation


La passation
La passation est cette phase, plus ou moins longue selon les activités, de transmission des connaissances des anciens, D’Urvilliens chevronnés ayant déjoués tous les pièges de la banquise , aux nouveaux fraîchement débarqués et pas encore totalement sevrés.

Le néophyte dont je fais partie, se distingue aisément de l’hivernant confirmé, et ce, à plusieurs niveaux : tout d’abord, le juvénile arbhorre fièrement ces habits rouges flambants neufs fournis par l’IPEV, vêtements encore vierges de toute déchirure, de fiente d’oiseaux ou autres dessins personnalisés. Ses « SOREL », ces chaussures d’un look douteux, probablement à la mode en URSS dans les années 50, sont elles aussi bien trop en état de marche, pour être honnêtes. Le D’Urvillien en devenir a le pas fébrile sur la banquise, il avance à tâtons, avec prudence, l’appareil photo vissé autour du cou. Il « mitraille » le premier manchot à sa portée oubliant qu’il aura encore maintes et maintes occasions de prendre de bien meilleures photos. L’arrivant se demande encore de quel bâtiment il s’agit quand on lui donne rendez-vous au Siporex, au BCR ou encore à Biomar.

Biomar justement, le labo de Biologie marine où je travaille, a lui aussi connu sa passation entre anciens et les trois nouveaux que nous sommes, un peu moins néophytes que les autres, puisque arrivés ensemble début novembre. Un mois et demi de terrain ont déjà mis à rude épreuve notre beau packetage IPEV, et nous sommes fiers désormais de porter des SORELS trouées (ou en phase de le devenir) et des VTN rouges qui fleurent bon le vomi de pétrel ou le poisson pas frais. Nous sommes en bonne voie, nous marchons dans le sillage de nos prédécesseurs.  La barbe pousse !

Voici donc en images, les « anciens » de Biomar (debout en arrière plan) et les pseudo-juvéniles que nous sommes au premier plan, modestement agenouillés. 


lundi 10 décembre 2012

Un jour en Terre Adélie


Un jour en Terre Adélie
J’ai détecté auprès de certains d’entre vous comme une interrogation quant à la façon dont je vis ici et la manière dont se déroule une journée à Dumont D’Urville. Je vais donc tenter d’apporter des éléments de réponse mais comprenez bien « qu’il n’existe pas de vérité, il n’y a que des histoires » (Jim Harrison). Une citation reprise dans Total Khéops de Jean Claude Izzo, roman que je vous recommande au passage, mais là n’est point le sujet. Sachez également, qu’il n’y a pas deux journées identiques : suivant ce qu’on est venu faire ici ou suivant le temps qu’il fait, le cours d’une journée peut varier fortement. Ceci étant dit, je ne vous mènerai pas en bateau pour autant et m’appliquerai à vous dépeindre ma vision la plus fidèle des choses. Voici donc, décrite de manière succinte, le déroulement d’une journée en cette fin d’année 2012, à la veille de la fin du monde annoncé, sur ce bout de caillou isolé.
Figurez-vous que même à l’autre bout du monde, une journée débute le matin vers 7h. Ni voyez point de moquerie, mais bien une précision car depuis hier, jeudi 06 décembre, le soleil ne se couche plus vraiment. Aussi, si le coeur vous en dit, ou si l’insomnie vous guette, vous pouvez régler votre réveil sur skuarock à 2h du matin, afin d’aller vaquer à vos occupations extérieures. Il vous reste néanmoins à trouver un acolyte noctambule prêt à vous accompagner lors de vos pérégrinations hors base. En effet, pour toute sortie en dehors de l’île des Pétrels, vous ne pouvez être seul et sans liaison radio. La raison étant, vous l’aurez compris, le risque d’accident sur la banquise ou l’égarement dans ce désert blanc. N’étant pas noctambule, mon réveil sonne à 7h.
Au passage, il m’a été posé la question du logement. Dans quoi vis-tu ? Dors tu bien ? Lorsqu’on parle de milieux polaires, les fantasmes les plus fous vont bon train. Heureusement pour nous, les conditions d’hivernage ne sont plus celles des premiers explorateurs, vous l’imaginez bien. Il faut vivre avec son temps et je dois bien l’avouer c’est confortable, même si parfois... Nous dormons donc, non pas dans des cabanons de bois ni sous tentes, mais dans des chambres individuelles en dur, isolées, chauffées, avec de vrais lits, des couettes et non des peaux de phoques. En somme, c’est extrêmement confortable et douillet. En y réfléchissant, la seule contrainte est de devoir parfois partager sa chambre avec un autre « héros polaire en charentaise ». Il en va de même pour la nourriture. Ici, nul besoin d’aller chasser le phoque ou le manchot ou bien encore de pêcher des heures durant pour subvenir à nos besoins élémentaires. Un cuisinier ainsi qu’un boulanger/pâtissier sont présents sur base pour satisfaire nos exigences culinaires. Pour exemple, ce dimanche midi c’était salade de choux rouge en entrée, puis gigot accompagné de pommes de terres rissolées et compote de pommes en dessert, le tout agrémenté d’un côte du rhône, en bouteille s’il vous plaît ! Le vin rouge en bouteille, français de surcroît, est une denrée rare sur base. Il est en effet plus courant, de voir trôner en bout de table un de ces cubis de vin australien que l’on nomme coolabha, cubi que peu d’entre nous s’aventurent à toucher. N’allez pas chercher dans votre guide des vins, vous ne le trouverez pas, à moins qu’il y ait une rubrique «Jus de raisin qui pique» ou « gros rouge qui tâche ».  Nos estomacs se portent donc à merveille. Ca démystifie un peu, n’est-ce pas ?
La courte mais néanmoins raide marche matinale parmi les manchots adélie, qui m’amène du dortoir été (lieu où je me repose) au séjour (lieu où l’on se sustente) m’aide à sortir définitivement de ma torpeur.  Vent frais, vent du matin... Le premier repas de la journée est disponible jusqu’à 8h. Les repas sont, comme à bord de l’Astrolabe, des éléments qui rythment votre journée : déjeuner à midi et dîner servi à 19h15. Il est toutefois possible de déroger à la règle pour des raisons professionnelles. Entre temps, vous travaillez car vous êtes quand même là pour ça. Le soir après le dîner, c’est selon les envies et les humeurs de chacun : discussion autour d’un verre, sorties photos, parties de cartes, séance cinéma ou autre.  
Voilà pour une journée « ordinaire ». Néanmoins, certains évênements viennent bousculer ce rythme établi. Une fois par semaine, le samedi, il est question de ravitailler la cuisine en vivres pour la semaine à venir. Chacun est mis à contribution et une chaîne humaine se forme pour transporter les aliments de leur lieu de stockage à la cuisine. Ensuite deux fois par mois, vous êtes de service base : avec deux autres D’Urvilliens vous endossez le rôle de serveur, plongeur et d’homme de ménage.
Et puis, parfois, l’arrivée d’un bateau vient encore bouleverser tout ça. Demain peut-être...

jeudi 6 décembre 2012

skua rock

Pour les envois de dédicaces musicales sur la radio précédemment citée:

 skuarock@ddu.ipev.fr
 

Une journée à la polynie


Une journée à la polynie
Une polynie est une zone d’eau libre, de taille variable, parmi la glace. Suite aux coups de vent puissants (jusqu’à 170Km/h) des derniers jours, la polynie en face de DDU ne cesse de croître. Pour notre plus grand bonheur, ceux des manchots et de leurs prédateurs, l’eau libre n’est plus qu’à 20 minutes à pied de la base. Mais mieux que des mots, quelques belles images dont je n’ai pas la paternité !
En prime, une photo pour les potos « waxeurs » de planche de BZH : ça surfe aussi en Antarctique !










mercredi 5 décembre 2012

Good morning Adelieland

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Good morning Adelieland

Si un jour, par envie ou par mégarde, vous mettez le pied en Terre Adélie (sait-on jamais !), branchez votre radio réveil et réglez le sur 88FM. Ici, point de Nostalgie, RFM ou autre Rires et Chansons. Pourtant des ondes circulent au dessus de nos têtes. Skuarock,  la radio volatile nous inonde les oreilles quotidiennement (le skua étant le goéland local).

Skuarock c’est une absence de pub, très peu de blabla mais de la musique en continue.

Vous connaissez désormais la fréquence, sachez néanmoins que toute tentative de réglage dans votre cuisine ou votre voiture serait vaine. La radio « made in DDU » reste à DDU et ne s’exporte pas encore, même sur le net. C’est une radio du bout du monde. Cela en fait probablement une des radios les moins écoutées de la planète. Pourtant, chaque année quelques âmes dévouées reprennent le flambeau et perpétuent la tradition « hertzienne ». Très peu de blabla donc, mais suffisamment pour glisser les dédicaces envoyées par vos soins, lors de l’émission hebdomadaire du samedi à 17h30 (heure locale).

Comment ça marche ?

Les dédicaces peuvent être écrites et envoyés par mail, auquel cas, elles seront lues par une personne de l’émission. Vous pouvez agrémenter votre message d’une chanson de votre choix. Le mieux est alors d’envoyer en pièce jointe la chanson que vous avez choisie, car tout n’est pas disponible ici en terme de musique.

Vous pouvez également enregistrer vocalement votre message (beaucoup plus personnel, vous en conviendrez) et l’envoyer en pièce jointe toujours accompagné d’une chanson (ou pas, c’est selon vos envies).

skuarock@ddu.ipev.fr

Vous savez désormais comment fonctionne le volatile. Vous ne pourrez désormais plus dire que vous ne saviez pas. Cependant, ni voyez bien sûr, aucune obligation, sollicitation ou autre, juste une information ... A samedi alors !

PS : Je profite de l’occasion que je m’auto-donne pour remercier Brian Désir, sans qui ce blog ne pourrait vivre. Il fait le lien entre vous et moi, car peut-être ne le savez-vous pas mais je n’ai pas accès à mes propres chroniques! Un scandale !! Merci à toi Poulet.

Une vie de base


Une vie de base
Voilà déjà 3 semaines que je suis ici, au sud de l’hémisphère sud. Le temps passe vite. Il est d’ailleurs temps de parler un peu de la base et de la vie « D’Urvillienne ». Je suis arrivé à Dumont D’Urville avec  la première rotation de l’Astrolabe, R0. Cinq rotations sont prévues chaque année, plus ou moins espacées d’un mois. La prochaine rotation, R1, apportera d’ici quelques jours une quarantaine de nouvelles têtes sur la base, parmi lesquelles, mes futurs compagnons d’hivernage.

Pour le moment, nous ne sommes que trois représentants de la TA63 accompagnés des campagnards d’été (comprenez ceux qui ne restent que durant les 4 mois d’été).  Les 28 hivernants de la TA62 sont donc toujours présents sur base. Nous profitons au maximum de leurs expériences et de leurs connaissances des lieux. C’est la phase de passation. Chacun apprend de son prédécesseur. Pour beaucoup d’entre eux, le départ est proche. D’ici une quinzaine de jours, quand l’Astrolabe aura libéré ces nouveaux arrivants, il remettra le cap vers Hobart avec à son bord, une poignée d’îliens du bout du monde avides de nouveaux horizons, plus exotiques. Il est donc question de retour, de voyage, de l’après. Le contraste est saisissant, pour nous qui venons seulement d’arriver. Alors, je me projette et m’imagine dans un an...

La vie sur base est rythmée principalement par le travail, lui-même fortement dépendant des conditions climatiques. Passé 20-25 noeuds de vent, le travail sur la banquise devient plus difficile. Il faut donc plannifier ses manipulations de terrain les jours de beau temps, pour ensuite se réfugier  au labo quand le blizzard se lève. La météo étant très capricieuse, il faut faire preuve de souplesse et d’adaptabilité. Notre labeur nous occupe 6 jours sur 7 respectant ainsi le traditionnel repos dominical. Le dimanche est destiné à récupérer de la soirée de la veille, à se remettre à jour au niveau des mails, écrire un article sur son blog, à faire sa lessive ou bien à profiter des ballades sur la banquise encore présente. Pour l’avoir testé, il est même possible de faire tout cela à la fois !

Pour l’heure, l’ile est enneigée et la banquise encore bien présente, ce qui me donne le sentiment d’être à la montagne plutôt que sur une île. Dans peu de temps pourtant, le paysage devrait changer considérablement. La neige, blanche et immaculée va disparaître pour laisser la place à la roche et au guano. La banquise quant à elle, va se disloquer sous les assauts répétés du vent et des vagues et la mer libre viendra de nouveau encercler ce rocher.  Le bleu reprendra alors le dessus sur le blanc. Ceci aura pour conséquence de réduire considérablement notre terrain de jeu. Nous deviendrons alors de véritables îliens.