Ça tourne !
Mercredi 23 janvier, 6h du matin : celui que
l’on n’attendait plus est en vue à l’entrée de la passe du Lion. L’Astrolabe
est enfin de retour après 3 semaines d’attente. Ces derniers-jours, les
spéculations allaient bon train quant à une arrivée possible ou non du bateau
et les conséquences induites.
Une base polaire comme celle de Dumont D’Urville fonctionne
grâce à des ravitaillements en vivres et en fuel. Chaque année, quatre
ravitaillements sont prévus, courant de novembre à février. Si une rotation vient
à sauter, cela remet en cause l’organisation de la vie sur la base. Le bateau
n’arrivant pas, nous en sommes arrivés au point, où il a fallu céder de la
nourriture pour approvisionner l’autre base franco-italienne de Concordia. Nous
sommes rentrés en phase de rationnement en quelque sorte. Le mot peut faire
peur mais pas de panique tout de même, nous n’en étions pas à sucer de la glace
et à ronger les os des manchots ad patres
que les skuas dénigrent. Simplement, les salsifis en boîte avaient pris le
dessus sur les légumes frais.
Cette année semble être assez exceptionnelle en
terme de condition de glace au large de DDU. En effet, si nous jouïssons
actuellement d’une grande polynie (zone d’eau libre) devant la base, le pack
sévit à environ cent kilomètres de la côte, agissant comme un véritable
bouclier de protection. La difficulté pour l’Astrolabe est alors de parvenir à
se frayer un chemin dans ce dédale de glace. La peinture écaillée à la proue du
navire témoigne d’ailleurs de l’âpre combat mené par ce dernier pour se frayer
un passage à travers le pack.
Une rotation est toujours un moment particulier.
Toutes les habitudes que vous aviez sont chamboulées. Une effervescence
s’empare de la base. Il faut décharger le navire de ses vivres, de son
carburant, de ses passagers, et il faut faire vite. Le pack, ayant relâché momentanément
son étreinte, peut à tout moment se refermer à nouveau et ainsi barrer une
nouvelle fois la route menant à Hobart. Les partants s’affairent de leurs côtés
à rassembler leurs effets personnels, non sans quelques émotions. Avec le départ du bateau, une journée
seulement après son arrivée, je récupère une chambre, seul. Tout est allé si
vite. Je peux enfin m’installer et agrémenter ces 4 murs blancs de quelques couleurs.
Après presque trois mois ici, c’est le moment pour moi de déballer mes affaires
et de découvrir ma malle aux trésors ! Vous n’imaginez pas combien la
découverte de ces quelques surprises m’ont fait du bien, et parfois fait rire.
Alors, un grand merci à vous tous.