mardi 25 décembre 2012
jeudi 20 décembre 2012
La passation
La passation
La passation est cette phase, plus ou moins longue
selon les activités, de transmission des connaissances des anciens,
D’Urvilliens chevronnés ayant déjoués tous les pièges de la banquise , aux
nouveaux fraîchement débarqués et pas encore totalement sevrés.
Le néophyte dont je fais partie, se distingue
aisément de l’hivernant confirmé, et ce, à plusieurs niveaux : tout
d’abord, le juvénile arbhorre fièrement ces habits rouges flambants neufs
fournis par l’IPEV, vêtements encore vierges de toute déchirure, de fiente
d’oiseaux ou autres dessins personnalisés. Ses « SOREL », ces
chaussures d’un look douteux, probablement à la mode en URSS dans les années
50, sont elles aussi bien trop en état de marche, pour être honnêtes. Le
D’Urvillien en devenir a le pas fébrile sur la banquise, il avance à tâtons,
avec prudence, l’appareil photo vissé autour du cou. Il « mitraille »
le premier manchot à sa portée oubliant qu’il aura encore maintes et maintes
occasions de prendre de bien meilleures photos. L’arrivant se demande encore de
quel bâtiment il s’agit quand on lui donne rendez-vous au Siporex, au BCR ou encore
à Biomar.
Biomar justement, le labo de Biologie marine où je
travaille, a lui aussi connu sa passation entre anciens et les trois nouveaux
que nous sommes, un peu moins néophytes que les autres, puisque arrivés
ensemble début novembre. Un mois et demi de terrain ont déjà mis à rude épreuve
notre beau packetage IPEV, et nous sommes fiers désormais de porter des SORELS
trouées (ou en phase de le devenir) et des VTN rouges qui fleurent bon le vomi
de pétrel ou le poisson pas frais. Nous sommes en bonne voie, nous marchons
dans le sillage de nos prédécesseurs.
La barbe pousse !
Voici donc en images, les « anciens » de
Biomar (debout en arrière plan) et les pseudo-juvéniles que nous sommes au
premier plan, modestement agenouillés.
lundi 10 décembre 2012
Un jour en Terre Adélie
Un jour en Terre
Adélie
J’ai détecté
auprès de certains d’entre vous comme une interrogation quant à la façon dont je
vis ici et la manière dont se déroule une journée à Dumont D’Urville. Je vais
donc tenter d’apporter des éléments de réponse mais comprenez bien « qu’il n’existe pas de vérité, il n’y a que
des histoires » (Jim Harrison). Une citation reprise dans Total Khéops de Jean Claude Izzo, roman
que je vous recommande au passage, mais là n’est point le sujet. Sachez
également, qu’il n’y a pas deux journées identiques : suivant ce qu’on est
venu faire ici ou suivant le temps qu’il fait, le cours d’une journée peut
varier fortement. Ceci étant dit, je ne vous mènerai pas en bateau pour autant
et m’appliquerai à vous dépeindre ma vision la plus fidèle des choses. Voici
donc, décrite de manière succinte, le déroulement d’une journée en cette fin
d’année 2012, à la veille de la fin du monde annoncé, sur ce bout de caillou
isolé.
Figurez-vous
que même à l’autre bout du monde, une journée débute le matin vers 7h. Ni voyez
point de moquerie, mais bien une précision car depuis hier, jeudi 06 décembre,
le soleil ne se couche plus vraiment. Aussi, si le coeur vous en dit, ou si
l’insomnie vous guette, vous pouvez régler votre réveil sur skuarock à 2h du
matin, afin d’aller vaquer à vos occupations extérieures. Il vous reste
néanmoins à trouver un acolyte noctambule prêt à vous accompagner lors de vos
pérégrinations hors base. En effet, pour toute sortie en dehors de l’île des
Pétrels, vous ne pouvez être seul et sans liaison radio. La raison étant, vous
l’aurez compris, le risque d’accident sur la banquise ou l’égarement dans ce
désert blanc. N’étant pas noctambule, mon réveil sonne à 7h.
Au passage, il
m’a été posé la question du logement. Dans quoi vis-tu ? Dors tu
bien ? Lorsqu’on parle de milieux polaires, les fantasmes les plus fous
vont bon train. Heureusement pour nous, les conditions d’hivernage ne sont plus
celles des premiers explorateurs, vous l’imaginez bien. Il faut vivre avec son
temps et je dois bien l’avouer c’est confortable, même si parfois... Nous
dormons donc, non pas dans des cabanons de bois ni sous tentes, mais dans des chambres
individuelles en dur, isolées, chauffées, avec de vrais lits, des couettes et
non des peaux de phoques. En somme, c’est extrêmement confortable et douillet.
En y réfléchissant, la seule contrainte est de devoir parfois partager sa
chambre avec un autre « héros polaire en charentaise ». Il en va de
même pour la nourriture. Ici, nul besoin d’aller chasser le phoque ou le
manchot ou bien encore de pêcher des heures durant pour subvenir à nos besoins
élémentaires. Un cuisinier ainsi qu’un boulanger/pâtissier sont présents sur
base pour satisfaire nos exigences culinaires. Pour exemple, ce dimanche midi
c’était salade de choux rouge en entrée, puis gigot accompagné de pommes de
terres rissolées et compote de pommes en dessert, le tout agrémenté d’un côte
du rhône, en bouteille s’il vous plaît ! Le vin rouge en bouteille,
français de surcroît, est une denrée rare sur base. Il est en effet plus
courant, de voir trôner en bout de table un de ces cubis de vin australien que
l’on nomme coolabha, cubi que peu d’entre nous s’aventurent à toucher. N’allez
pas chercher dans votre guide des vins, vous ne le trouverez pas, à moins qu’il
y ait une rubrique «Jus de raisin qui pique» ou « gros rouge qui
tâche ». Nos estomacs se
portent donc à merveille. Ca démystifie un peu, n’est-ce pas ?
La courte mais
néanmoins raide marche matinale parmi les manchots adélie, qui m’amène du dortoir
été (lieu où je me repose) au séjour (lieu où l’on se sustente) m’aide à sortir
définitivement de ma torpeur. Vent
frais, vent du matin... Le premier repas de la journée est disponible jusqu’à
8h. Les repas sont, comme à bord de l’Astrolabe, des éléments qui rythment
votre journée : déjeuner à midi et dîner servi à 19h15. Il est toutefois
possible de déroger à la règle pour des raisons professionnelles. Entre temps,
vous travaillez car vous êtes quand même là pour ça. Le soir après le dîner, c’est
selon les envies et les humeurs de chacun : discussion autour d’un verre,
sorties photos, parties de cartes, séance cinéma ou autre.
Voilà
pour une journée « ordinaire ». Néanmoins, certains évênements
viennent bousculer ce rythme établi. Une fois par semaine, le samedi, il est
question de ravitailler la cuisine en vivres pour la semaine à venir. Chacun
est mis à contribution et une chaîne humaine se forme pour transporter les
aliments de leur lieu de stockage à la cuisine. Ensuite deux fois par mois, vous
êtes de service base : avec deux autres D’Urvilliens vous endossez le rôle
de serveur, plongeur et d’homme de ménage.
Et
puis, parfois, l’arrivée d’un bateau vient encore bouleverser tout ça. Demain
peut-être...
jeudi 6 décembre 2012
Une journée à la polynie
Une journée à la
polynie
Une polynie
est une zone d’eau libre, de taille variable, parmi la glace. Suite aux coups
de vent puissants (jusqu’à 170Km/h) des derniers jours, la polynie en face de
DDU ne cesse de croître. Pour notre plus grand bonheur, ceux des manchots et de
leurs prédateurs, l’eau libre n’est plus qu’à 20 minutes à pied de la base. Mais
mieux que des mots, quelques belles images dont je n’ai pas la paternité !
mercredi 5 décembre 2012
Good morning Adelieland
-->
Good morning
Adelieland
Si un jour, par envie ou par mégarde, vous mettez
le pied en Terre Adélie (sait-on jamais !), branchez votre radio réveil et
réglez le sur 88FM. Ici, point de Nostalgie, RFM ou autre Rires et Chansons.
Pourtant des ondes circulent au dessus de nos têtes. Skuarock, la radio
volatile nous inonde les oreilles quotidiennement (le skua étant le goéland
local).
Skuarock c’est une absence de pub, très peu de
blabla mais de la musique en continue.
Vous connaissez désormais la fréquence, sachez
néanmoins que toute tentative de réglage dans votre cuisine ou votre voiture
serait vaine. La radio « made in DDU » reste à DDU et ne s’exporte
pas encore, même sur le net. C’est une radio du bout du monde. Cela en fait
probablement une des radios les moins écoutées de la planète. Pourtant, chaque
année quelques âmes dévouées reprennent le flambeau et perpétuent la tradition
« hertzienne ». Très peu de blabla donc, mais suffisamment pour
glisser les dédicaces envoyées par vos soins, lors de l’émission hebdomadaire
du samedi à 17h30 (heure locale).
Comment ça marche ?
Les dédicaces peuvent être écrites et envoyés par
mail, auquel cas, elles seront lues par une personne de l’émission. Vous pouvez
agrémenter votre message d’une chanson de votre choix. Le mieux est alors
d’envoyer en pièce jointe la chanson que vous avez choisie, car tout n’est pas
disponible ici en terme de musique.
Vous pouvez également enregistrer vocalement votre
message (beaucoup plus personnel, vous en conviendrez) et l’envoyer en pièce
jointe toujours accompagné d’une chanson (ou pas, c’est selon vos envies).
skuarock@ddu.ipev.fr
skuarock@ddu.ipev.fr
Vous savez désormais comment fonctionne le
volatile. Vous ne pourrez désormais plus dire que vous ne saviez pas.
Cependant, ni voyez bien sûr, aucune obligation, sollicitation ou autre, juste
une information ... A samedi alors !
PS : Je profite de l’occasion que je
m’auto-donne pour remercier Brian Désir, sans qui ce blog ne pourrait vivre. Il
fait le lien entre vous et moi, car peut-être ne le savez-vous pas mais je n’ai
pas accès à mes propres chroniques! Un scandale !! Merci à toi Poulet.
Une vie de base
Une vie de base
Voilà déjà 3 semaines que je suis ici, au sud de
l’hémisphère sud. Le temps passe vite. Il est d’ailleurs temps de parler un peu
de la base et de la vie « D’Urvillienne ». Je suis arrivé à Dumont
D’Urville avec la première
rotation de l’Astrolabe, R0. Cinq rotations sont prévues chaque année, plus ou
moins espacées d’un mois. La prochaine rotation, R1, apportera d’ici quelques
jours une quarantaine de nouvelles têtes sur la base, parmi lesquelles, mes
futurs compagnons d’hivernage.
Pour le moment, nous ne sommes que trois
représentants de la TA63 accompagnés des campagnards d’été (comprenez ceux qui
ne restent que durant les 4 mois d’été). Les 28 hivernants de la TA62 sont donc toujours présents sur
base. Nous profitons au maximum de leurs expériences et de leurs connaissances
des lieux. C’est la phase de passation. Chacun apprend de son prédécesseur. Pour
beaucoup d’entre eux, le départ est proche. D’ici une quinzaine de jours, quand
l’Astrolabe aura libéré ces nouveaux arrivants, il remettra le cap vers Hobart
avec à son bord, une poignée d’îliens du bout du monde avides de nouveaux
horizons, plus exotiques. Il est donc question de retour, de voyage, de
l’après. Le contraste est saisissant, pour nous qui venons seulement d’arriver.
Alors, je me projette et m’imagine dans un an...
La vie sur base est rythmée principalement par le
travail, lui-même fortement dépendant des conditions climatiques. Passé 20-25
noeuds de vent, le travail sur la banquise devient plus difficile. Il faut donc
plannifier ses manipulations de terrain les jours de beau temps, pour ensuite
se réfugier au labo quand le
blizzard se lève. La météo étant très capricieuse, il faut faire preuve de
souplesse et d’adaptabilité. Notre labeur nous occupe 6
jours sur 7 respectant ainsi le traditionnel repos dominical. Le dimanche est
destiné à récupérer de la soirée de la veille, à se remettre à jour au niveau
des mails, écrire un article sur son blog, à faire sa lessive ou bien à
profiter des ballades sur la banquise encore présente. Pour l’avoir testé, il
est même possible de faire tout cela à la fois !
Pour l’heure, l’ile est enneigée et la banquise
encore bien présente, ce qui me donne le sentiment d’être à la montagne plutôt
que sur une île. Dans peu de temps pourtant, le paysage devrait changer considérablement.
La neige, blanche et immaculée va disparaître pour laisser la place à la roche
et au guano. La banquise quant à elle, va se disloquer sous les assauts répétés
du vent et des vagues et la mer libre viendra de nouveau encercler ce rocher. Le bleu reprendra alors le dessus sur le
blanc. Ceci aura pour conséquence de réduire considérablement notre terrain de
jeu. Nous deviendrons alors de véritables îliens.
lundi 26 novembre 2012
L’île des Pétrels, la mal nommée
L’île des Pétrels, la mal nommée
La base française antarctique Dumont D’Urville est
située sur une île : l’île des Pétrels, un petit caillou de 500m sur 700m,
à proximité du continent. Cette île, accompagnée de nombreux îlots, forme l’archipel
de la pointe Géologie . Au siècle
précédent, lorsque l’Homme est arrivé, l’île accueillait une colonie importante
de pétrels géants, un oiseau marin d’envergure et au bec puissant. Aujourd’hui,
le pétrel a disparu de son île, et on ne dénombre plus qu’une dizaine de
couples de cette espèce sur un îlot voisin. Le mont des Géants, promontoire
rocheux où jadis les pétrels jouïssaient d’une aire d’envol est aujourd’hui
déserté. L’arrivée et
l’implantation de l’Homme a semble-t-il été néfaste pour cet oiseau.
D’autres au contraire, ne semblent pas perturbés
outre mesure. Il s’agit des manchots adélie, présents en grand nombre sur
l’île : environ 15 000 couples reviennent chaque année pour pondre parmi la « cohue » estivale de
la base. En cette période, l’île est donc une sorte de grande colocation :
envrion 80 personnes cohabitent avec près de 30 000 manchots. Cette
promiscuité n’est pas sans susciter quelques désagréments dans les deux camps. Les
nuisances respectives sont de nature différente : lorsque les manchots nous
incommodent avec leurs olfactives déjections (olfactives étant un doux
euphémisme) et leurs bruyantes sérénades sous les fenêtres du dortoir, nous les
stressons très certainement avec nos incessants va-et-viens en engins chenillés
ou volant. Pourtant cette cohabitation se maintient depuis plus de 60 ans. Les
adélies sont partout sur l’île ou presque : depuis les promontoires
rocheux jusque sous les bâtiments. Ils sont ici chez eux et nous le font
fièrement ressentir. Le manchot
adélie est petit comparé à l’empereur ; il ne dépasse pas 6-7 kg quand
l’empereur peut en atteindre 40. Mais l’adélie est fier, téméraire et féroce au
combat. La femelle pond généralement deux oeufs sur un nid de cailloux. Chaque
caillou est précieux pour l’adélie et il n’est pas rare d’assister à des vols
de cailloux dans les nids voisins, occasionnant alors de violentes
représailles. Le plumage maculé de sang de certains d’entre eux témoigne de
l’efficacité et de l’intensité des coups de bec et d’ailerons. Les manchots
adélie ne sont pas des résidants permanents de l’île. Ils arrivent généralement
fin octobre et repartent en février-mars après s’être reproduit.
Ils sont comme nous, ils ne sont que de passage sur
l’île des Pétrels.
mercredi 21 novembre 2012
Bonjour à tous,
il y avait une petite erreur dans la rubrique "me contacter".
Mon adresse mail à l'autre bout du monde est:
il y avait une petite erreur dans la rubrique "me contacter".
Mon adresse mail à l'autre bout du monde est:
tnebout@ddu.ipev.fr
lundi 19 novembre 2012
Le pêcheur de DDU
Vous lisez ces quelques lignes, vous savez donc que
je suis parti en Antarctique pour plus d’une année. En revanche, savez-vous ce
que je suis parti y faire concrètement ? Vous savez peut-être que je suis le
biologiste marin de Dumont D’Urville. Bon, mais une fois qu’on a dit ça, on a tout
et rien dit à la fois. Une brève description de mon travail s’avère donc
nécessaire.
J’ai été recruté pour travailler sur deux
programmes de recherche :
- REVOLTA (acronyme de Radiations EVOLutives en
Terre Adélie). L’idée de ce programme est de réaliser un inventaire de la faune
marine benthique de l’archipel de Pointe Géologie. Benthique ? Mais
qu’est-ce donc ? Ce terme désigne la faune qui vit en étroite relation
avec le fond des mers. Il s’agit par exemple des étoiles de mer, des oursins,
des crabes et certains poissons de fond. A l’inverse, on parle de pélagique pour les organismes vivant
dans la colonne d’eau : les méduses, le plancton, certains poissons, les
mammifères marins...
Un inventaire pour, d’une part, connaître ce qui
vit dans ces mers froides (-1,5°c) et d’autre part, comprendre comment ces
espèces se sont diversifiées, à quel rythme. Différentes techniques de
laboratoire sont ensuite déployées : de la génétique des populations, de
la biologie moléculaire... Certains specimens sont conservés dans de l’alcool
en vue d’alimenter les collections du Museum National d’Histoire Naturelle à
Paris.
Pour mener à bien cet inventaire, je vais être
amené à utiliser toute sorte
d’engins de prélèvements : chalut à perche, filet trémail, nasses, benne,
drague et même la canne à pêche !
Je suis donc le pêcheur de DDU.
Durant l’été, à partir de janvier, je travaillerai
depuis une embarcation, le seatruck. En hiver, la banquise est formée. Il y a
actuellement 1,40m d’épaisseur de glace. Mais alors, comment faire pour pêcher
me direz-vous ! Et bien tout simplement en faisant un trou dans la glace
pour avoir accès à l’eau libre et ainsi continuer à effectuer des prélèvements.
Une fois celui-ci fait, il faut l’entretenir régulièrement afin d’éviter qu’il
ne regèle. On peut également continuer à pêcher depuis les
« rivières » qui se forment lors de l’écartement des plaques de
banquise. Il faut alors être prudent, car l’épaisseur de la banquise aux abords
de l’eau est très faible.
- ICELIPIDS (pas d’acronyme juste de l’anglais). Il
s’agit ici de suivre les variations de concentrations de biomarqueurs lipidiques
(produits par le phytoplancton) en fonction des paramètres
environnementaux : l’épaisseur de la banquise, la température de l’eau...Le
phytoplancton étant la base de la chaîne alimentaire en milieu marin, l’idée
est de suivre le transfert de ces biomarqueurs aux autres organismes
(zooplancton, invertébrés, poissons). Sur le terrain, je réalise des carottages
de glace, des prélèvements d’eau, des traits de filets à plancton. Tout ceci
est ensuite analysé au laboratoire.
dimanche 11 novembre 2012
Le jour du débarquement
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Le jour du
débarquement
Jeudi 08 novembre 2012. L’Astrolabe ne progresse plus, une fois de
plus. Mais aujourd’hui, quelque chose a changé dans le décor. Terre en
vue ! Un petit caillou agrémenté d’un mât apparaît au loin depuis la
passerelle. Dumont D’Urville est là, devant nous.
Après avoir quitté la France le 21 octobre, le voyage touche à sa fin.
Nous sommes enfin arrivés à destination. Un long voyage. Un riche voyage.
L’information est alors donnée : « Tenez vous prêt à
débarquer en début d’après midi ». Tout le monde semble accorder du crédit
à l’information. L’excitation est palpable. Enfin, après 16 jours de mer, nous
allons fouler la terre ferme. Les premiers vols débutent. Les passagers
quittent progressivement le navire par lot de 3. Je suis sur la quatrième
rotation. J’attends équipé, prêt à
vivre mon premier vol en hélicoptère. Mon tour arrive. Nous ne sommes qu’à une
dizaine de kilomètres de la base. Le vol ne dure que quelques minutes. Tout va
très vite, trop vite. Le décor est grandiose, irréel. Mais où suis-je ?
L’hélicoptère se pose, la porte s’ouvre et ça y est, je foule l’île des
Pétrels, ma demeure pour les prochains mois à venir.
Les hivernants de la TA62 sont là pour nous accueillir chaleureusement.
J’ai un peu l’impression d’être un invité chez des hôtes. Nous sommes les
prochains locataires de ce caillou. Ils n’ont vu aucun nouveau visage depuis
mars dernier et semblent heureux de nous découvrir, à moins que ce bonheur affiché ne soit plutôt lié aux fruits
frais et au courrier qu’on leur apporte !
Mon dortoir pour l’été
mercredi 31 octobre 2012
Journal de bord
Journal de bord
Jour 0 : 23/10/2012
Voilà presque
36 heures que nous avons quitté Paris. La fatigue se fait sentir. Mais nous
voilà enfin arrivés à Hobart. Depuis le bus qui fait office de navette, je
l’aperçois. L’Astrolabe est là, dans la baie, au bout de ce quai. Il nous
attend. Du haut de ses 65 mètres, il me parait désormais bien petit pour
affronter l’océan austral. Pas le temps de s’émerveiller, il faut partir ce
soir pour éviter le trop gros temps annoncé. La nuit tombe progressivement. Et
nous avec. Je regagne ma banette vers 21h. Un lit, un vrai, la nuit s’annonce
bonne.
Jour 1 : 24/10/2012
La nuit a été
réparatrice. L’Astrolabe tient sa réputation. Il roule. Il roule même beaucoup.
La mer a beau être encore relativement clémente, ça gite, ça tangue, ça claque,
à tel point que la cuvette des toilettes se transforme en geyser. Mon premier
albatros. Un albatros royal. Puis viennent les prions, les pétrels noirs et les
albatros timides. Ca vous plonge immédiatement dans l’ambiance ; une
immersion dans le grand sud. A bord, le monde se divise en deux : les
patchés et les autres. A table, certaines places restent inoccupées ; le
mal de mer fait ses premières victimes. Pour ma part, je ne me patche pas et je
tiens bon. Le repas du soir reste malgré tout difficile à avaler. Il est 20h30,
je regagne ma banette.
Jour 2 : 25/10/2012
6h : il
fait déjà bien jour. La mer continue son incessant travail de sape. L’Astrolabe
courbe l’échine et encaisse. Je me lève pensant au petit déjeuner. C’est jeudi,
et le jeudi c’est croissant. Alors pas envie de rater ça. Mais il faut
attendre. A bord, le temps semble s’étirer. Ce sont les repas qui rythment la
vie à bord. 7h-11h-18h pour les uns, le tout décallé d’une heure pour les
autres. Je suis de la deuxième fournée. Entre temps, on regarde des films, on
sieste, on observe les quelques albatros qui nous escortent inlassablement.
Chacun tue le temps comme il peut. Tout au long de la journée l’océan se
détend, s’apaise à tel point qu’on retrouve du monde à table le soir.
Jour 3 : 26/10/2012
La journée est
calme. La mer est presque plate. Nous attendons l’évèvement de la journée avec
impatience : le débarquement sur la base australienne de Macquarie des 5
australiens embarqués avec nous. Il est 17h quand ce beau de caillou de 35 km
de long et 360 m de haut se dessine à l’horizon, venant rompre l’implaccable
horizontalité du grand bleu. En ce troisième jour, la température a
considérablement chuté. Nous sommes proches de zéro degré. J’ai pu observer mes
premiers albatros à sourcils noirs, pétrels géants, manchots royaux, sternes
antarctiques, ainsi que des éléphants de mer. En revanche, les orques me sont
passés sous le nez.
Jour 4 : 27/10/2012
Lever 6h. A
bord, chacun a son rythme. Certains sont levés depuis 2h du matin, d’autres
écraseront jusqu’à midi. La vie est tranquille, on se laisse bercer par le
désormais faible roulis de l’Astrolabe. Jusqu’à présent, nous sommes chanceux
au niveau des conditions de mer. Néanmoins, celles-ci se dégradent dans l’après
midi et durant la nuit. L’Astrolabe roule à nouveau fortement d’un bord à
l’autre.
Jour 5 : 28/10/2012
Il a été
difficile de trouver le sommeil cette nuit, tant il était compliqué de rester immobile
quelques secondes dans sa banette. Encore un réveil matinal. Les jours
rallongent. Je me lève à 6h et le soleil est déjà haut dans le ciel. La
température de l’eau de mer est descendue en dessous de 0°C. Il a neigé sur le
pont ce matin. 21h, je suis en salle informatique, quand j’entends l’Astrolabe
gronder, ça vibre... Nous y sommes, les premières glaces sont là, tout autour
de nous. . .. Comme pour nous souhaiter la bienvenue dans cet univers immaculé,
les pétrels des neiges viennent survoler le navire. Un instant magique.
Jour 6 : 29/10/2012
Nous sommes
rentrés dans la banquise depuis hier soir. L’avantage, c’est que le bateau ne
roule plus. La nuit n’en a été que meilleure. Et quelle vision ce matin au
réveil ! Le bateau continue sa lente progression vers notre but :
DDU. La glace est praticable et nous arrivons à nous frayer un chemin. Nous ne
sommes plus qu’à 450 km de la base lorsque le bateau s’immobilise pour la
première fois. La glace s’épaissit, se densifie. Les deux hélicoptères sont
sortis du « garage » et installés sur le pont. Un vol de repérage est
alors programmé. Il est 21h lorsque l’Astrolabe remet les gaz et avance de
nouveau à taton, cherchant une issue dans ce labyrinthe de glace.
Jour 7 : 30/10/2012
De nombreux
bruits de coursive circulent quant à notre position et notre arrivée possible à
DDU. Il est difficile de pronostiquer quoi que ce soit, tant les conditions de
glace peuvent évoluer dans un sens comme dans l’autre. Pour l’heure, nous
n’avançons plus. Un petit bloc de glace nous empêche de progresser. Il faut
s’armer de patience. Partie de cartes, film, lecture, observations à la
passerelle sont parmi les moyens de tuer le temps. Dehors, le jour est gris et
la neige tombe. Une ambiance étrange, apaisante. Nous sommes les otages de la
banquise, pour combien de temps encore...
dimanche 21 octobre 2012
C'est l'heure...
Voilà une
dizaine d’années que ce bout de continent blanc traîne dans un coin de ma tête.
Et enfin, ce rêve lointain est à ma portée. 15 mois en Terre Adélie, à
17 000 km de chez moi. Le départ est imminent. L’Astrolabe m’attend déjà à
l’autre bout de la planète. D’ici quelques jours, je serai à son bord pour une
traversée qui promet d’être mouvementée. C’est un mélange d’excitation et
d’appréhension. Un départ vers l’inconnu, vers une aventure unique, exceptionnelle.
De nombreuses images se bousculent, s’entrechoquent : des images de glace, de blanc, de bleu...Un
univers minéral où pourtant la vie foisonne de l’autre côté du miroir. Je serai
le biologiste marin de Dumont D’Urville.
Je mesure la
chance qui est la mienne de bientôt fouler cette terre destinée à la paix et à
la science. Peu de gens ont l’opportunité de parcourir ces contrées reculées et
d’y séjourner. Malgré tout, certaines personnes de mon entourage, peut-être
beaucoup d’ailleurs, me considèrent comme un peu « fou » de faire le
choix de partir aussi longtemps, aussi loin, de me retirer du monde des Hommes.
Alors, quel
est cet élément moteur qui pousse des gens comme moi à quitter leur famille, leurs
amis, leur quotidien confortable et douillet pour une situation extrême et délicate.
Pour ma part,
c’est cet esprit d’aventure, de découverte. Dans un monde désormais
« fini », où les grandes explorations des siècles précédents n’ont
plus lieu d’être, où cette quête de terres nouvelles, perdues ou légendaires est
obsolète, j’ai le sentiment que l’Antarctique reste le seul et unique continent
où cette part de rêve subsiste encore. L’Antarctique exerce une sorte
d’attraction, de fascination où l’imagination a encore le droit de citer.
Il est évident
que partir vivre plus d’une année sur une base scientifique en Antarctique
n’est pas sans susciter quelques craintes. On se pose beaucoup de questions.
L’éloignement, l’isolement, le froid, le confinement, la promiscuité, la nuit
quasi permanente au plus fort de l’hiver, constituent autant de paramètres
susceptibles d’influer sur le moral et de fait, modifier le comportement. Ma
plus grande appréhension finalement c’est moi ; ou plutôt, ma réaction
face à tous ces éléments nouveaux. Quel sera mon comportement face à
l’isolement? Vais-je supporter mes 25 compagnons d’hivernage ? Comment
vais-je réagir face à l’inéluctable routine qui s’installera sur la base durant
l’hiver? Supporterai-je les conditions climatiques? Autant de questions qui
trouveront leurs réponses dans les mois à venir.
Un tel voyage nécessite un minimum de préparation
et d’organisation. La première étape a consisté à remplir de manière la plus
intelligente possible les trois malles autorisées. Emmener un peu de chez soi
pour se réchauffer le cœur (et la panse) dans les moments difficiles, c’est
important. 120 kg de matériel sont autorisés. C’est énorme me direz-vous, mais
on y arrive plus vite qu’on ne le pense.
Passé l’étape de la constitution des malles et de leur acheminement, je
me suis confronté aux joies des procédures de résiliation de contrat en tout
genre : internet, téléphone, mutuelle, assurance voiture...et j’en passe.
Vient ensuite la semaine de séminaire à Brest où l’on rencontre ses futurs
compagnons de vie et où on vous informe sur les conditions de vie en
Antarctique. Si vous êtes effrayés à l’issue de cette semaine, dîtes-vous de
toute façon que c’est trop tard, vous avez signé! Bien évidemment, entre tout
ça, vous faîtes le plein de vie. Vous profitez au maximum de vos proches, vous passez un dernier week end à Venise. Une
succession de repas et d’apéros. L’occasion de revoir des gens que vous
n’auriez peut être pas pris la peine d’appeler dans d’autres circonstances.
Puis c’est le moment de dire au revoir, de
faire son sac. Encore un bagage, un dernier, celui qui vous accompagnera à bord
de l’Astrolabe. Le train siffle. C’est l’heure de partir.
Prenez soin de vous
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