Liberté
conditionnelle
Durant l’hiver, nous sommes totalement coupés du
monde, plus aucun bateau ne viendra nous rendre visite avant quelques mois.
Nous sommes les « prisonniers » volontaires de l’Antarctique. De quoi
développer un sentiment de claustrophobie. Pourtant et paradoxalement, l’hiver vient
chasser ce sentiment d’enfermement, il procure une grande sensation de liberté
(du moins en ce qui me concerne). En effet, lorsqu’en été nous étions assignés
à résidence en raison du caractère insulaire de la dite résidence, l’hiver nous
offre la possibilité de s’affranchir de cette contrainte et de s’éloigner de ce
bout de caillou devenu trop petit. Une liberté toute nouvelle, ayant grandie au
rythme de la banquise. Car si l’hiver apporte son lot d’intempéries (vent,
neige et par voie de conséquences, maudites congères !), l’hiver nous
offre le froid, un précieux allié sur le chemin de la liberté retrouvée.
Celui-ci parvient progressivement à figer la surface d’un océan comme engourdi,
hypnotisé par tant de volonté. Après quelques soubresauts de protestation (une
fracture dans la fraîche banquise), l’océan n’a d’autres choix que de jeter
l’éponge et de se laisser recouvrir de ce manteau de glace.
Désormais la banquise s’étend à perte de vue.
Néanmoins, il ne s’agit pas de s’aventurer au dehors la fleur au fusil. Car si
en apparence, le plancher est solide, la prudence est de mise car des pièges
subsistent. La réglementation française en vigueur ici, impose une épaisseur
minimale de glace de 40cm pour pouvoir mettre un pied devant l’autre, quand
chez nos voisins Australiens, 20cm suffisent ! Est-ce à croire que nous, Froggies, sommes deux fois plus lourds
que les Wallabies ? Allez
savoir...
Le passage des empereurs (gros et gras en prévision
d’un hiver de jeûne et forts de leur 40kg), sur la glace nouvellement formée
est un premier témoin de son épaisseur, même si beaucoup d’entre nous,
équivalent davantage à deux empereurs! Quoi qu’il en soit, pour avoir une idée
précise de l’épaisseur de glace, un sondage est nécessaire. Armés d’une sorte
de gros tire-bouchon vissé sur une perceuse, il nous faut forer. Techniquement,
il est pour le moins difficile de forer à distance depuis l’île, alors
timidement, vous mettez un pied devant l’autre, sans trop savoir si ça tiendra
ou non. En marchant sur cette nouvelle couche de glace, il vaut mieux faire
abstraction du fait que sous nos pieds, à certains endroits le plancher des « vaches
de mer » se situe 600m plus bas : de quoi avoir
le pas fébrile... Le 02 avril, l’épaisseur de banquise oscillait entre 35 et
40cm selon les endroits sondés. La liberté est proche.
Une liberté conditionnelle néanmoins, car un
périmètre de sécurité sera alors établi, sorte de ligne imaginaire au delà de
laquelle, il nous sera interdit d’aller.
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