La roue
tourne
Il y a un an, je découvrais tout juste mon
nouvel environnement, impressionné, émerveillé, intimidé presque. Mes VTN (vêtements
polaires) fraîchement déballées du paquetage IPEV, étaient alors respectivement
rouge tomate et bleu schtroumpf, elles possédaient cette odeur de neuf, bien
trop froide aux narines. Mes Sorel
étincelaient de propreté. Mon pas sur la banquise était hésitant, fébrile, et j’immortalisais
sur ma carte SD, chaque manchot que je croisais, chaque berg dépassé.
Un an plus tard, ces mêmes habits ont subi les
assauts du temps : mes VTN ont connu le sel, le vent, le soleil, les
déjections de manchots, les écailles de poissons et les
« soulagements » de phoques de Weddell. Si bien que le rouge tomate
et le bleu schtroumpf ont grandement perdu de leur superbe. Mes sorel ont foulé
la neige, la banquise, l’eau de mer parfois, le guano : le cuir s’est
déchiré, les lacets sont en lambeaux. Ces vêtements portent désormais une
histoire, la mienne. Ils ne sont plus ces simples pièces de tissus anonymes
fabriquées en série, ils se sont enrichis d’un vécu. Mon pas est devenu plus
sûr. Je sais depuis, déjouer certains pièges de la banquise. Je prends le temps
d’observer les manchots, les phoques, les pétrels, plutôt que de chercher à les
mettre en boîte. J’admire les bergs. ( Et j’attends toujours la mer ! )
La roue a tourné donc. L’arrivée des premiers
hivernants de la 64ème mission en Terre Adélie est venue nous le
rappeler. Les néophytes que nous étions font désormais figure d’anciens, de
vieux routiers de la banquise. C’est à nous à présent de transmettre notre
expérience du terrain, notre « savoir » si modeste soit-il. La passation est en marche.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire