dimanche 21 octobre 2012

C'est l'heure...


Voilà une dizaine d’années que ce bout de continent blanc traîne dans un coin de ma tête. Et enfin, ce rêve lointain est à ma portée. 15 mois en Terre Adélie, à 17 000 km de chez moi. Le départ est imminent. L’Astrolabe m’attend déjà à l’autre bout de la planète. D’ici quelques jours, je serai à son bord pour une traversée qui promet d’être mouvementée. C’est un mélange d’excitation et d’appréhension. Un départ vers l’inconnu, vers une aventure unique, exceptionnelle. De nombreuses images se bousculent, s’entrechoquent :  des images de glace, de blanc, de bleu...Un univers minéral où pourtant la vie foisonne de l’autre côté du miroir. Je serai le biologiste marin de Dumont D’Urville.

Je mesure la chance qui est la mienne de bientôt fouler cette terre destinée à la paix et à la science. Peu de gens ont l’opportunité de parcourir ces contrées reculées et d’y séjourner. Malgré tout, certaines personnes de mon entourage, peut-être beaucoup d’ailleurs, me considèrent comme un peu « fou » de faire le choix de partir aussi longtemps, aussi loin, de me retirer du monde des Hommes.
Alors, quel est cet élément moteur qui pousse des gens comme moi à quitter leur famille, leurs amis, leur quotidien confortable et douillet pour une situation extrême et délicate.
Pour ma part, c’est cet esprit d’aventure, de découverte. Dans un monde désormais « fini », où les grandes explorations des siècles précédents n’ont plus lieu d’être, où cette quête de terres nouvelles, perdues ou légendaires est obsolète, j’ai le sentiment que l’Antarctique reste le seul et unique continent où cette part de rêve subsiste encore. L’Antarctique exerce une sorte d’attraction, de fascination où l’imagination a encore le droit de citer.  

Il est évident que partir vivre plus d’une année sur une base scientifique en Antarctique n’est pas sans susciter quelques craintes. On se pose beaucoup de questions. L’éloignement, l’isolement, le froid, le confinement, la promiscuité, la nuit quasi permanente au plus fort de l’hiver, constituent autant de paramètres susceptibles d’influer sur le moral et de fait, modifier le comportement. Ma plus grande appréhension finalement c’est moi ; ou plutôt, ma réaction face à tous ces éléments nouveaux. Quel sera mon comportement face à l’isolement? Vais-je supporter mes 25 compagnons d’hivernage ? Comment vais-je réagir face à l’inéluctable routine qui s’installera sur la base durant l’hiver? Supporterai-je les conditions climatiques? Autant de questions qui trouveront leurs réponses dans les mois à venir.

Un  tel voyage nécessite un minimum de préparation et d’organisation. La première étape a consisté à remplir de manière la plus intelligente possible les trois malles autorisées. Emmener un peu de chez soi pour se réchauffer le cœur (et la panse) dans les moments difficiles, c’est important. 120 kg de matériel sont autorisés. C’est énorme me direz-vous, mais on y arrive plus vite qu’on ne le pense.  Passé l’étape de la constitution des malles et de leur acheminement, je me suis confronté aux joies des procédures de résiliation de contrat en tout genre : internet, téléphone, mutuelle, assurance voiture...et j’en passe. Vient ensuite la semaine de séminaire à Brest où l’on rencontre ses futurs compagnons de vie et où on vous informe sur les conditions de vie en Antarctique. Si vous êtes effrayés à l’issue de cette semaine, dîtes-vous de toute façon que c’est trop tard, vous avez signé! Bien évidemment, entre tout ça, vous faîtes le plein de vie. Vous profitez au maximum de vos proches, vous passez un dernier week end à Venise. Une succession de repas et d’apéros. L’occasion de revoir des gens que vous n’auriez peut être pas pris la peine d’appeler dans d’autres circonstances. 

Puis c’est le moment de dire au revoir, de faire son sac. Encore un bagage, un dernier, celui qui vous accompagnera à bord de l’Astrolabe. Le train siffle. C’est l’heure de partir.

Prenez soin de vous

3 commentaires:

  1. Un petit bonsoir du pays beaujolais. Plein de pensées pour toi pour cette magnifique (folle?) aventure.
    Charlotte, en souvenir des bancs de la fac et des soirées rennaises.

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  2. Quel régal de te lire ! Hâte de cliqué, re cliqué et re re cliqué sur ton blog pendant une année et demi, une part d'aventure nous envahira aussi ! Merci ...
    Quelle belle histoire tu vis , tu ecris
    Des baisers malouins
    Clanouk

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  3. Nebout Julie
    Bonjour cousin ça fait très longtemps que je ne t'ai pas vue. On m'a dit pour cette aventure extraordinaire... Au debut je me suis dit que tu etais un peu fou mais je t'envie, surtout profites à fond de cette année, de la nature, des animaux et des magnifiques paysages que tu dois observer chaque jour.
    Je t'envoie plein de bisous dans ton coin de paradis.

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