mercredi 31 octobre 2012

Journal de bord


Journal de bord
Jour 0 : 23/10/2012
Voilà presque 36 heures que nous avons quitté Paris. La fatigue se fait sentir. Mais nous voilà enfin arrivés à Hobart. Depuis le bus qui fait office de navette, je l’aperçois. L’Astrolabe est là, dans la baie, au bout de ce quai. Il nous attend. Du haut de ses 65 mètres, il me parait désormais bien petit pour affronter l’océan austral. Pas le temps de s’émerveiller, il faut partir ce soir pour éviter le trop gros temps annoncé. La nuit tombe progressivement. Et nous avec. Je regagne ma banette vers 21h. Un lit, un vrai, la nuit s’annonce bonne.
Jour 1 : 24/10/2012
La nuit a été réparatrice. L’Astrolabe tient sa réputation. Il roule. Il roule même beaucoup. La mer a beau être encore relativement clémente, ça gite, ça tangue, ça claque, à tel point que la cuvette des toilettes se transforme en geyser. Mon premier albatros. Un albatros royal. Puis viennent les prions, les pétrels noirs et les albatros timides. Ca vous plonge immédiatement dans l’ambiance ; une immersion dans le grand sud. A bord, le monde se divise en deux : les patchés et les autres. A table, certaines places restent inoccupées ; le mal de mer fait ses premières victimes. Pour ma part, je ne me patche pas et je tiens bon. Le repas du soir reste malgré tout difficile à avaler. Il est 20h30, je regagne ma banette.
Jour 2 : 25/10/2012
6h : il fait déjà bien jour. La mer continue son incessant travail de sape. L’Astrolabe courbe l’échine et encaisse. Je me lève pensant au petit déjeuner. C’est jeudi, et le jeudi c’est croissant. Alors pas envie de rater ça. Mais il faut attendre. A bord, le temps semble s’étirer. Ce sont les repas qui rythment la vie à bord. 7h-11h-18h pour les uns, le tout décallé d’une heure pour les autres. Je suis de la deuxième fournée. Entre temps, on regarde des films, on sieste, on observe les quelques albatros qui nous escortent inlassablement. Chacun tue le temps comme il peut. Tout au long de la journée l’océan se détend, s’apaise à tel point qu’on retrouve du monde à table le soir.
Jour 3 : 26/10/2012
La journée est calme. La mer est presque plate. Nous attendons l’évèvement de la journée avec impatience : le débarquement sur la base australienne de Macquarie des 5 australiens embarqués avec nous. Il est 17h quand ce beau de caillou de 35 km de long et 360 m de haut se dessine à l’horizon, venant rompre l’implaccable horizontalité du grand bleu. En ce troisième jour, la température a considérablement chuté. Nous sommes proches de zéro degré. J’ai pu observer mes premiers albatros à sourcils noirs, pétrels géants, manchots royaux, sternes antarctiques, ainsi que des éléphants de mer. En revanche, les orques me sont passés sous le nez.
Jour 4 : 27/10/2012
Lever 6h. A bord, chacun a son rythme. Certains sont levés depuis 2h du matin, d’autres écraseront jusqu’à midi. La vie est tranquille, on se laisse bercer par le désormais faible roulis de l’Astrolabe. Jusqu’à présent, nous sommes chanceux au niveau des conditions de mer. Néanmoins, celles-ci se dégradent dans l’après midi et durant la nuit. L’Astrolabe roule à nouveau fortement d’un bord à l’autre.
Jour 5 : 28/10/2012
Il a été difficile de trouver le sommeil cette nuit, tant il était compliqué de rester immobile quelques secondes dans sa banette. Encore un réveil matinal. Les jours rallongent. Je me lève à 6h et le soleil est déjà haut dans le ciel. La température de l’eau de mer est descendue en dessous de 0°C. Il a neigé sur le pont ce matin. 21h, je suis en salle informatique, quand j’entends l’Astrolabe gronder, ça vibre... Nous y sommes, les premières glaces sont là, tout autour de nous. . .. Comme pour nous souhaiter la bienvenue dans cet univers immaculé, les pétrels des neiges viennent survoler le navire. Un instant magique.
Jour 6 : 29/10/2012
Nous sommes rentrés dans la banquise depuis hier soir. L’avantage, c’est que le bateau ne roule plus. La nuit n’en a été que meilleure. Et quelle vision ce matin au réveil ! Le bateau continue sa lente progression vers notre but : DDU. La glace est praticable et nous arrivons à nous frayer un chemin. Nous ne sommes plus qu’à 450 km de la base lorsque le bateau s’immobilise pour la première fois. La glace s’épaissit, se densifie. Les deux hélicoptères sont sortis du « garage » et installés sur le pont. Un vol de repérage est alors programmé. Il est 21h lorsque l’Astrolabe remet les gaz et avance de nouveau à taton, cherchant une issue dans ce labyrinthe de glace.
Jour 7 : 30/10/2012
De nombreux bruits de coursive circulent quant à notre position et notre arrivée possible à DDU. Il est difficile de pronostiquer quoi que ce soit, tant les conditions de glace peuvent évoluer dans un sens comme dans l’autre. Pour l’heure, nous n’avançons plus. Un petit bloc de glace nous empêche de progresser. Il faut s’armer de patience. Partie de cartes, film, lecture, observations à la passerelle sont parmi les moyens de tuer le temps. Dehors, le jour est gris et la neige tombe. Une ambiance étrange, apaisante. Nous sommes les otages de la banquise, pour combien de temps encore...

7 commentaires:

  1. bonjour mon titi, nous allons lu attentivement les premières pages de ton journal de bord. Ce qui nous rassurent et nous permet de visualiser ton cadre de vie, l'ambiance qui règne à bord de l'astrolabe et le bel environnement hostile dans lequel tu te trouves en ce moment.Ton voyage touche à sa fin et tu aperçois sans doute DUMONT D'URVILLE. Au fait, tu as peut-être croisé l'âme de BAUDELAIRE dans le ciel. Ici, tout va bien. Nous t'embrassons et pensons bien à toi. tes parents

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  2. Salut Thibaut,
    Content de lire ton premier journal de bord et de savoir que tout va bien et que tu n'as pas vomi tes trips dans l'ocean austral... J'ai hate de lire tes premieres impressions sur ton arrivee a la base.
    Bon courage pour la fin de la navigation et pour ton installation.
    Bise
    Alex

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  3. Encore... Encore ... Encore .... M'sieur Nebout .... ENCORE.... PARCE QUE C'EST CHOUETTE !
    Bises. Lilou

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  4. Salut Thibaut !
    Je viens de lire le début de tes aventures, et j'ai déjà hâte de lire la suite ! Un peu de folie, beaucoup de courage, et une véritable passion : tu as probablement le bon cocktail pour mener à bien ton aventure !
    Gros bisous !
    Maï
    P.S : la prof de français que je suis apprécie beaucoup ta prose !!!

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  5. Et moi, l'instit de primaire à Charavines, qui suis la TA 62 avec mes élèves sur tableau numérique grâce à Docteurpingouin depuis décembre 2012, je fus très contente de lire vos péripéties maritimes pour suivre le déplacement de l'Astrolabe par argos ipev et un autre site en lien avec Docteurpingouin.
    Je souhaite dire à tous les enseignants qui vous suivront, faites vivre cette expérience à vos élèves, c'est véritablement magique: cela leur ouvre les yeux, les oreilles, l'envie de culture géographique, avec leçons de SVT toutes prêtes et le respect de l'environnement. J'ai d'ailleurs gardé les mêmes élèves sur l'année scolaire 2012/2013 que sur 2011/2012 pour pouvoir continuer avec eux ce magnifique travail d'échange.
    Nous avons aussi découvert le site radarflight24 qui nous montre quels avions nous survolent car il nous a permis de voir où en était le vol de Docteurpingouin, médecin de la TA62, de son vrai nom Bernard Manuel.
    Les élèves et leur enseignant qui vous suivront apprécieront tous vos textes, vidéos, photos, je vous le confirme pour le vivre chaque jour.
    Françoise

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  6. Hello tibo,

    Je suis vraiment ravie d'avoir de tes nouvelles et de savoir que ça va pour toi. Merci mille fois de nous faire partager cette aventure...
    J'ai vraiment hâte de lire les prochains épisodes et de voir des photos quand tu pourras en mettre.

    Bon courage, profites-en bien et savoures chacun de ces moments inoubliables.

    Je pense bien à toi.

    Bisous

    Chacha

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  7. Bonjour Thibaut !

    Que de nouvelles ! Je ne savais pas du tout que tu nourrissais un tel projet.
    Félicitations pour ton embauche, et surtout je te souhaite plein de beaux moments dans cette aventure hors du commun...

    Bise,
    Amélie

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