lundi 30 décembre 2013

Epiblog ?

"Epiblog ?

Cette aventure touche à sa fin. Le dernier chapitre. L’épilogue de ce
blog.
Voici l’épiblog. Ou plutôt, un état des lieux de la fin. Pas la fin.
Pas encore. Pour la bonne et simple raison, que la fin, je l’ignore. Elle
m’échappe encore. Seules les glaces de l’Antarctique détiennent la vérité.

Bref rappel des évènements du chapitre précédent, pour ceux qui auraient
perdu le fil de cette histoire:

Après des jours bloqué à une centaine de
kilomètres de DDU, l’Astrolabe est parvenu à rejoindre le bord de la
banquise à 40 kilomètres de la base. Aussitôt, et profitant d’une belle
fenêtre météorologique, les vols hélico ont débuté, déchargeant tour à
tour, personnel, vivres et matériel. Un vent de liberté imminente
soufflait alors sur l’île. L’état des lieux était fait. La 63 passait les
clefs à la 64, officiellement. Nous allions bientôt fouler à nouveau le
pont de l’Astrolabe... Quelques jours de déchargement donc, puis l’annonce
tant attendue est tombée : « tenez-vous prêt à embarquer demain ». Un 21
décembre, soit 14 mois, jours pour jour après avoir quitté la France.

Tout est alors allé très vite, peut-être trop. En effet, c’est en une
seconde que j’ai quitté cette île sur laquelle j’ai passé plus de 400
nuits. Binaire. 1-0. Vous êtes là, vous n’y êtes plus. Brutal mais
nécessaire. Un départ en bateau se fait en douceur, et vous laisse le
temps de regarder ce rocher s’éloigner, doucement, inéluctablement, en
vous disant non sans émotion, qu’il est probable que vous ne le reverrez
jamais. J’imagine alors, que vous partez la gorge nouée, en vous
remémorant les bons moments. L’hélico ne permet pas ça et c’est peut-être
mieux ainsi. Vous êtes comme happés, absorbés par le vol en lui-même. Il
agit comme un dernier cadeau qui vient clôturer cette année peu ordinaire.
Un vol fabuleux où vous survolez ces bergs que vous avez cotoyés toute
l’année. Magique.

Une fois à bord, l’émotion est réellement présente. Vous vous rappelez
l’aller. Vous retournez 14 mois en arrière. Les coursives, la passerelle,
les banettes, tout est là, dans l’état dans lequel vous l’aviez laissé.
Vous repensez alors à votre état d’esprit de l’époque : l’excitation,
l’appréhension face à l’inconnu. Les questions. Les doutes. Vous vous
dîtes que le temps a passé. Et vite finalement. C’était hier. Passé ce
stade, une seule question vous taraude : allons-nous passer le pack sans
encombre? Cette bande de glace compacte, dérivante, qui agit comme une
barrière mouvante. Moins de 48h plus tard, nous avions notre réponse.
L’océan. Libre. La route était dégagée. Nous sommes passés comme dans du
beurre demi-sel. Hobart était désormais à 5 jours devant nous. Nous étions
en eau libre. Plus rien, dans nos esprits comblés et un brin crédules, ne
pouvait nous empêcher d’être là pour le nouvel an...

Mais voilà, l’Antarctique reste l’Antarctique. Je disais plus haut qu’il
est probable que je ne reverrai jamais ce coin du monde. Pourtant, chacun
sait qu’il serait imprudent de dire « jamais ». Allez savoir,  si dans mes
vieux jours, le compte en banque bien garni, l’envie me venait
d’entreprendre une croisière pour riches touristes en mal d’aventure et
d’exotisme glacé, sur un navire russe aux abords de Dumont D’Urville!
Insensé ? Pas si sûr. Quoi qu’il en soit, après avoir passé un Noël peu
commun dans une mer houleuse à souhait, et alors que nous étions à 3 jours
d’Hobart, quelle drôle d’émotion de voir le cap du bateau virer de 180°.
Vous croyez alors à une mauvaise blague. L’Antarctique agirait-il comme un
aimant ?

Nous voici donc, vendredi 27 décembre plus au sud encore que Dumont
D’Urville, tentant de pénétrer dans un pack dont la densité n’a d’égale
que la blancheur. L’aventure ne ferait-elle que commencer ?  Allez
savoir... "

2 commentaires:

  1. Bonjour, Thibaut,
    Et bravo. Ton blog a été super tout au long de l'hivernage, et ton "épiblog" est génial ! Et il prouve si besoin était qu'il ne faut jamais dire jamais...
    A l'heure où j'écris, le bateau russe est toujours coincé dans sa banquise, et l'aventure continue pour ses passagers. Pour toi aussi, semble-t-il, car l'Astrolabe a pris un cap très inhabituel depuis quelques heures. Si on a coutume de dire que "l'Antarctique, ça se mérite", pour toi et tes compagnons de TA 63 (dont l'ami Maxime) c'est plutôt le retour à la civilisation qui est difficile...
    Alors bon courage à tous, et Bonne Année 2014...
    Cordialement,
    Roger Venturini

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  2. C'est tout à fait par hasard que je suis tombée sur ce blog ....
    J'ai tout lu ,tellement c'etait passionant , l'arrivée , l'ambiance , les états d'ame.....
    Merci de ce partage , grace à vous et à cette belle écriture ....j'y étais !!!!

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