Un jour en Terre
Adélie
J’ai détecté
auprès de certains d’entre vous comme une interrogation quant à la façon dont je
vis ici et la manière dont se déroule une journée à Dumont D’Urville. Je vais
donc tenter d’apporter des éléments de réponse mais comprenez bien « qu’il n’existe pas de vérité, il n’y a que
des histoires » (Jim Harrison). Une citation reprise dans Total Khéops de Jean Claude Izzo, roman
que je vous recommande au passage, mais là n’est point le sujet. Sachez
également, qu’il n’y a pas deux journées identiques : suivant ce qu’on est
venu faire ici ou suivant le temps qu’il fait, le cours d’une journée peut
varier fortement. Ceci étant dit, je ne vous mènerai pas en bateau pour autant
et m’appliquerai à vous dépeindre ma vision la plus fidèle des choses. Voici
donc, décrite de manière succinte, le déroulement d’une journée en cette fin
d’année 2012, à la veille de la fin du monde annoncé, sur ce bout de caillou
isolé.
Figurez-vous
que même à l’autre bout du monde, une journée débute le matin vers 7h. Ni voyez
point de moquerie, mais bien une précision car depuis hier, jeudi 06 décembre,
le soleil ne se couche plus vraiment. Aussi, si le coeur vous en dit, ou si
l’insomnie vous guette, vous pouvez régler votre réveil sur skuarock à 2h du
matin, afin d’aller vaquer à vos occupations extérieures. Il vous reste
néanmoins à trouver un acolyte noctambule prêt à vous accompagner lors de vos
pérégrinations hors base. En effet, pour toute sortie en dehors de l’île des
Pétrels, vous ne pouvez être seul et sans liaison radio. La raison étant, vous
l’aurez compris, le risque d’accident sur la banquise ou l’égarement dans ce
désert blanc. N’étant pas noctambule, mon réveil sonne à 7h.
Au passage, il
m’a été posé la question du logement. Dans quoi vis-tu ? Dors tu
bien ? Lorsqu’on parle de milieux polaires, les fantasmes les plus fous
vont bon train. Heureusement pour nous, les conditions d’hivernage ne sont plus
celles des premiers explorateurs, vous l’imaginez bien. Il faut vivre avec son
temps et je dois bien l’avouer c’est confortable, même si parfois... Nous
dormons donc, non pas dans des cabanons de bois ni sous tentes, mais dans des chambres
individuelles en dur, isolées, chauffées, avec de vrais lits, des couettes et
non des peaux de phoques. En somme, c’est extrêmement confortable et douillet.
En y réfléchissant, la seule contrainte est de devoir parfois partager sa
chambre avec un autre « héros polaire en charentaise ». Il en va de
même pour la nourriture. Ici, nul besoin d’aller chasser le phoque ou le
manchot ou bien encore de pêcher des heures durant pour subvenir à nos besoins
élémentaires. Un cuisinier ainsi qu’un boulanger/pâtissier sont présents sur
base pour satisfaire nos exigences culinaires. Pour exemple, ce dimanche midi
c’était salade de choux rouge en entrée, puis gigot accompagné de pommes de
terres rissolées et compote de pommes en dessert, le tout agrémenté d’un côte
du rhône, en bouteille s’il vous plaît ! Le vin rouge en bouteille,
français de surcroît, est une denrée rare sur base. Il est en effet plus
courant, de voir trôner en bout de table un de ces cubis de vin australien que
l’on nomme coolabha, cubi que peu d’entre nous s’aventurent à toucher. N’allez
pas chercher dans votre guide des vins, vous ne le trouverez pas, à moins qu’il
y ait une rubrique «Jus de raisin qui pique» ou « gros rouge qui
tâche ». Nos estomacs se
portent donc à merveille. Ca démystifie un peu, n’est-ce pas ?
La courte mais
néanmoins raide marche matinale parmi les manchots adélie, qui m’amène du dortoir
été (lieu où je me repose) au séjour (lieu où l’on se sustente) m’aide à sortir
définitivement de ma torpeur. Vent
frais, vent du matin... Le premier repas de la journée est disponible jusqu’à
8h. Les repas sont, comme à bord de l’Astrolabe, des éléments qui rythment
votre journée : déjeuner à midi et dîner servi à 19h15. Il est toutefois
possible de déroger à la règle pour des raisons professionnelles. Entre temps,
vous travaillez car vous êtes quand même là pour ça. Le soir après le dîner, c’est
selon les envies et les humeurs de chacun : discussion autour d’un verre,
sorties photos, parties de cartes, séance cinéma ou autre.
Voilà
pour une journée « ordinaire ». Néanmoins, certains évênements
viennent bousculer ce rythme établi. Une fois par semaine, le samedi, il est
question de ravitailler la cuisine en vivres pour la semaine à venir. Chacun
est mis à contribution et une chaîne humaine se forme pour transporter les
aliments de leur lieu de stockage à la cuisine. Ensuite deux fois par mois, vous
êtes de service base : avec deux autres D’Urvilliens vous endossez le rôle
de serveur, plongeur et d’homme de ménage.
Et
puis, parfois, l’arrivée d’un bateau vient encore bouleverser tout ça. Demain
peut-être...
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